Hypertension, tabac, sédentarité… Certains facteurs et habitudes de vie contribuent au vieillissement précoce de notre cœur. Mais il y en a sur lesquels on peut agir et ainsi ralentir ce processus. Le professeur Denis Angoulvant, cardiologue, nous dit comment s’y prendre.
Votre tension
Qui dit cœur vieux, dit risque de maladies cardiovasculaires (accident vasculaire cérébral (AVC), angor, infarctus du myocarde, etc.) augmenté. Et selon le professeur Denis Angoulvant, cardiologue, « le principal facteur de risque cardiovasculaire le plus répandu au monde et le plus dangereux, c’est l’hypertension artérielle. » En France, plus de 10 millions de personnes en souffriraient.
Un véritable problème en ce sens que « l’hypertension fait obstacle au travail du cœur. Le cœur éjecte du sang dans les artères, dans lesquelles la pression est trop élevée. Du coup, il va vieillir plus vite car il va se rigidifier plus vite. » Quand on sait que le cœur est un muscle qui, quand il fonctionne bien, possède une grande élasticité, la rigidité n’est pas la bienvenue. « En raison de l’hypertension artérielle, dès l’âge de 50 ans, des personnes peuvent avoir un cœur déjà très rigide, très hypertrophié. »
La solution : un dépistage précoce de l’hypertension pour mettre en place les mesures de prévention, sachant qu’elle peut survenir à tout âge. « La traiter permet de prévenir les évènements cardiovasculaires qui eux arriveront dans 20 ans », explique le Pr Angoulvant. La prise en charge consiste notamment en la prise de médicaments, la pratique d’une activité physique régulière ainsi que l’adoption d’un régime alimentaire équilibré en faisant particulièrement attention à la consommation de sel.
Tabac : sevrez-vous !
Les fumeurs provoquent le vieillissement précoce de leur cœur et augmentent ainsi considérablement leur risque cardiovasculaire, ce peu importe le nombre de cigarettes fumées par jour : une étude publiée le 24 janvier 2018 a démontré que consommer une cigarette quotidiennement suffisait à augmenter son risque de faire un AVC ou un infarctus du myocarde. Des résultats que confirme le Pr Angoulvant, qui assure qu’ « une cigarette peut suffire à vous tuer.
Quand vous consommez une cigarette, vous inhalez la fumée et faites passer dans votre circulation un certain nombre de substances, notamment du monoxyde de carbone, des goudrons, des gaz et autres éléments radioactifs, qui sont toxiques tout de suite. Fumer une cigarette entraîne directement un stress sur la paroi artérielle. »
La solution : l’arrêt complet du tabac. Si le risque est présent même avec une seule cigarette par jour, il se réduit considérablement aussitôt que l’on arrête : « Sur la paroi des artères, chaque cigarette est délétère et si on arrête de fumer, la paroi se remet à mieux fonctionner quelques heures après seulement. S’il n’y avait plus du tout d’intoxication tabagique, les maladies cardiovasculaires diminueraient de façon drastique quelques années après. »
Pour arrêter de fumer, n’hésitez pas à vous faire aider.
Modérez votre consommation d’alcool
Si l’alcool est un facteur de risque avéré de certains cancers, son lien avec l’apparition de maladies cardiovasculaires est plus difficile à cerner car les études scientifiques se contredisent à ce sujet : « On a longtemps considéré l’alcool comme n’étant pas trop mauvais pour le système cardiovasculaire, explique le Pr Angoulvant, car à la différence du tabac, on n’a jamais montré de lien entre l’alcool et l’athérosclérose (défini par l’Inserm comme « le dépôt d’une plaque essentiellement composée de lipides sur la paroi des artères » entraînant la plupart du temps un infarctus du myocarde). Les personnes qui en boivent n’augmentent pas leur risque d’infarctus du myocarde de façon majeure, même si, indirectement, l’alcool contribue à l’hypertension artérielle. »
Néanmoins, il est désormais reconnu comme néfaste, car « l’alcool est un toxique qui va agir directement sur le muscle cardiaque et donc favoriser l’apparition de certaines maladies du cœur. » Les récentes études qui préconisent de boire un verre d’alcool par jour pour réduire les risques de maladies cardiovasculaires auraient donc tout faux : « Il n’y a pas de bienfait particulier pour la santé à boire de l’alcool en dehors du fait que c’est agréable, convivial et qu’on se fait plaisir.
La solution : boire avec modération, même si ce terme est flou. En effet, s’il est recommandé par les autorités sanitaires françaises de ne pas boire plus de deux verres d’alcool par jour, celles-ci reconnaissent toutefois qu’ « il n’existe pas de seuil clair de consommation qui permettrait à coup sûr de limiter les risques pour la santé tout au long de la vie. » Et selon le Pr Angoulvant, « le risque, c’est que la frontière entre boire un petit peu et boire trop n’est pas facile à identifier. En France, il y a énormément de patients qui consomment de l’alcool tous les jours et qui n’ont pas l’impression d’être intoxiqués car ils boivent une bouteille de vin entre le repas du midi et celui du soir. Mais c’est beaucoup trop ! »
Stressé(e) ? Calmez-vous !
Le stress, ou la maladie du siècle : selon un sondage paru en 2017, 9 Français sur 10 estiment être stressés. Un comportement qui ne serait pas sans danger pour la santé : « Le stress est vraisemblablement un facteur qui favorise les maladies cardiovasculaires, explique le Pr Angoulvant, mais la question est de savoir s’il s’agit d’un facteur indépendant. » En effet, certaines études rapportent que les personnes stressées sécréteraient plus d’adrénaline et d’hormones particulières, « qui vont accélérer le cœur et faire monter la pression artérielle ».
Mais ce mécanisme n’est pas avéré. Les risques liés au stress pourraient surtout provenir du mode de vie malsain qu’il entraîne : « une consommation plus importante de tabac, d’alcool, d’aliments provoquant une obésité et/ou du diabète, etc. »
La solution : si le mécanisme d’apparition des risques liés au stress n’est pas réellement identifié, il convient dans tous les cas de le réduire. Exercice physiques, thérapies cognitivo-comportementales… les solutions sont nombreuses. A vous de trouver celle(s) qui vous convien(nen)t le mieux.
Natation, vélo, course à pied : 40 minutes, 3 fois par semaine
Vous n’en pouvez plus d’entendre qu’il est important de pratiquer une activité physique régulière ? Malheureusement pour vous, cette maxime risque de vous être rappelée encore longtemps. Tout simplement car le sport a un effet bénéfique indéniable sur la santé : « Il y a clairement un lien entre la sédentarité et le développement de beaucoup de problèmes de santé, affirme le Pr Angoulvant, notamment de maladies cardiovasculaires, rhumatologiques et de cancers. »
La solution : « Avoir une activité physique régulière modérée, explique le Pr Angoulvant. La Société Européenne de Cardiologie (ESC) recommande de faire au moins trois séances de sport de minimum 30 minutes, idéalement 40 minutes. La marche ne suffit pas, bien que marcher au moins 6000 pas par jour permet notamment aux personnes âgées de garder plus longtemps une autonomie et diminue leur risque cardiovasculaire.
L’idéal, c’est de transpirer un petit peu et de privilégier des activités pendant lesquelles le pouls va s’accélérer », telles que la natation, le vélo ou encore la course à pied. Mais pas besoin d’être un athlète : « le sport à haute dose n’est pas une prescription médicale. On ne pratique pas de sport pour se protéger des maladies cardiovasculaires mais par plaisir avant tout. »
Alimentation : le tout, c’est d’être raisonnable
C’est un fait : une mauvaise alimentation entraîne des risques de cholestérol, d’obésité et de diabète, des pathologies qui sont elles-mêmes des facteurs de maladies cardiovasculaires. Dans le cas de l’obésité par exemple, la Fondation Recherche Cardio-Vasculaire affirme que « les femmes ayant un tour de taille de plus de 96 cm voient leurs facteurs de risque de maladies cardiovasculaires augmenter de 300% ».
Mais là où ça se complique, c’est sur la définition de ce que sont une bonne et une mauvaise alimentation. « Il y a beaucoup de controverses », remarque le Pr Angoulvant. Régime pauvre en graisses saturées, régime riche en hydrate de carbone, régime cétogène, régime méditerranéen… Les études et les résultats se contredisent, laissant les professionnels de santé perplexes. « Aujourd’hui, il faut être honnête : ce qu’on sait, c’est qu’on ne sait pas grand-chose. Il est très difficile de dire à un patient quel type de diète il doit suivre ou pas. »
La solution : « Ce qui est sûr, c’est qu’il faut être raisonnable et éviter les apports caloriques trop importants, affirme le Pr Angoulvant. Ces derniers doivent être en lien avec son activité. Il faut manger équilibré : pas trop de viandes, des laitages (fromage) en quantité raisonnable, intégrer des légumes frais, c’est-à-dire éviter les pesticides, ne pas grignoter entre les repas et bien répartir les quantités sur la journée. Mais on n’a pas fini d’élucider quelle est l’alimentation qui permet de protéger le système cardiovasculaire et l’organisme en général. »